Mirodia

Voici maintenant le rêve qui a changé ma vie, tout comme la rupture du Sceau va changer celle de Prune. C’est ainsi que je suis entrée à tout jamais dans l’univers onirique, et je n’en sortirai plus. Cela s’est passé il y a presque vingt ans ; j’avais cinq ans, et quand je me suis endormie ce soir là (avec beaucoup de mal, comme d’habitude à l’époque), je ne savais pas encore qui j’allais rencontrer…

Un grand hall, avec des murs en verre partout. Des gens vont et viennent, sans faire attention à moi. Je suis perdue, je ne sais pas où aller, et j’ai mal. C’est comme si quelque chose me brûlait l’estomac. J’observe de tout côté, inquiète. Il y a deux portes, énormes, qui s’ouvrent et se referment comme les portes d’un grand magasin. La porte d’entrée est une tête de clown à l’endroit, la porte de sortie est une tête de clown à l’envers. Je les regarde, mais leurs visages me font peur. Puis j’aperçois un couloir, où personne ne va. Je m’élance, je cours de toutes mes forces ; des escaliers qui montent, des escaliers qui descendent, des salles, des couloirs, des portes, et enfin, une grande pièce au fond du couloir. J’entre : il fait très sombre. Je me demande bien où je suis… C’est alors qu’une voix retentit : « Bonjour, tu vas bien ? »

« Qui es-tu ? ». « Je suis la Sorcière-Crayon ». Et un très joli crayon multicolore, avec des volants en dentelles, et un ruban qui pendaient de la mine, comme une queue de cheval pend d’une tête, me regarde avec bienveillance. Je le prends, et le serre fort dans mes mains. « On attend Mirodia, maintenant », me dit la Sorcière-Crayon. Elle va te ramener chez toi. Très peu de temps après, une très belle fée, aux cheveux de la couleur de la Nuit, vêtue d’une longue robe bleue parsemée de soleils, de lunes et d’étoiles dorés vole du plafond vers nous. Un diadème d’or est posé sur ses cheveux détachés, qui ondulent à chaque mouvement. Ses yeux sont doux, et elle sourit. « Je suis la Fée Mirodia, dit-elle d’une voix douce, et je vais t’aider à rentrer chez toi. » « Tu es la Fée de quoi ? » « La Fée des Rêves. Crayon et moi veilleront toujours sur toi. Il faut rentrer, maintenant. » Elle me prend les mains, et nous nous envolons. C’est merveilleux, de voler. D’abord, on décolle doucement, puis on s’élève, de plus en plus haut, on touche le plafond, on redescend et on remonte, comme les vagues…

Et je suis retombée dans mon lit. Je me suis levée aussitôt, j’ai appelé Mirodia dans toute la maison, mon Papa dormait encore, ma Maman s’est réveillée, elle m’a demandé ce que je faisais debout à cette heure là, à crier. « Je cherche Mirodia ! Ou est-elle ? » Et elle a compris tout de suite : « dans ton rêve »… Logique. La Fée des Rêves, c’est dans les rêves qu’on la rencontre. Et on ne l’oublie jamais, quand on l’a vue ; et je n’ai plus eu peur de rêver, après (peur de dormir, ça, c’est autre chose, ça fait seulement depuis que j’ai 16-17 ans que j’arrive à m’endormir sans m’imaginer que je ne me réveillerai pas le lendemain). Mirodia m’a donné la clé des rêves et de l’imagination, Crayon m’a donné la clé des histoires et des dessins. Elles veillent sur moi à jamais, désormais. J’ai bien essayé de les dessiner, beaucoup de fois, mais jamais je n’ai encore réussi à retranscrire leur éclat particulier… Je pense faire une nouvelle tentative d’ici peu. Quant à vous tous, faites de beaux rêves et à bientôt !