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Onilatkovoïa Mora = La Mer des Rêves
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20 juillet 2008

Les gabouris.

Voici le début d’un rêve que j’ai fait en 2006, sur la route de Digne-Les-Bains. J’attends toujours la suite !

Dans le train qui me menait vers le sud, rien à faire : l’ennui m’avait gagné, aussi je somnolais, allongée sur la couchette. Les fines parois en bois qui me séparaient des wagons-couchettes individuels tremblotaient. Les conversations voisines me parvenaient et me tiraient peu à peu de mon sommeil. Je me dressai nonchalamment sur mon lit, amollie par la chaleur, et je regardai défiler le paysage. Nous avions atteint la montagne. Des roches, des arbres, des cascades… Oh, un petit écureuil ! Tiens, un renard orange. Puis un sanglier… Mais il est blessé ! Je m’approchai de la fenêtre : une lance fichée dans le flanc, le sanglier dévalait la pente aussi vite que possible. Mais qui avait bien pu le blesser ainsi ? Des grondements rauques retentirent. Non, c’était impossible ! J’observai plus attentivement : mes yeux ne m’avaient pas trompés. Ces silhouettes massives, ces armes rustres, ces cheveux filasses et sales : il s’agissait bien de gabouris. Ils chassaient. S’ils voyaient le train… Trop tard. En rugissant, ils se mirent à lancer des pierres sur le train. Je me reculai à temps de la fenêtre pour éviter un énorme projectile qui brisa le carreau de la fenêtre.

Enfin, on arriva en gare. Je descendis, guettant les alentours, prêtant l’oreille aux conversations. Personne n’avait prêté attention aux gabouris. Tous attribuaient les pierres reçues à un simple éboulement. Je sortis de la gare, sur mes gardes. Très vite, je m’aperçus que la ville dans laquelle j’étais était très très très « cool ». Les gens semblaient planer, et une légère fumée odorante parcourait les rues. Un énorme panneau publicitaire ventait les mérites du joint. J’éclatai de rire. Deux jeunes filles, qui me paraissaient avoir vingt-six et vingt-deux ans, se tournèrent vers moi.

« C’est vraiment génial, cette ville !

Exactement comme on nous avait dit.

Ici, c’est LA ville du joint ! Le paradis de la coolitude !

C’est quoi, ça ? demandais-je.

La cool-attitude, bien sûr !

Ici, c’est en vente libre. Même pour moi ! Je n’ai que quinze ans, et parfois on ne veut pas m’en donner, ailleurs, dit celle qui semblait avoir vingt-six ans.

Même pour moi, parfois, et pourtant je suis majeure, j’ai dix-neuf ans, ajouta celle qui en paraissait vingt-deux. Mais ici, aucun problème, c’est légal ! »

Les deux filles, riant aux éclats, s’éloignèrent, en direction d’une boutique de joints en tout genre. Quant à moi, je consultai le plan de la ville, pour trouver la rue de mon hôtel. Des mugissements attirèrent mon attention. Deux silhouettes massives s’éclipsaient dans la montagne… Les autorités étaient-elles au courant ? Je décidai de faire un crochet par la mairie.

« Bonjour. J’ai quelques petites choses à vous demander, dis-je.

Oui ? répondit la secrétaire de mairie en ouvrant la fenêtre de son guichet.

Quelles sont les dispositions prises pour se protéger des gabouris ?

Des quoi ?

Il y a des gabouris, qui rôdent autour de la ville. Je les ai vus. Ils ne vont pas tarder à attaquer, à mon avis.

Encore une qui a trop abusé des joints, soupira la secrétaire de mairie.

Non, je n’ai pas fumé, je viens d’arriver. Les gabouris ont attaqué notre train. Ils ont blessé un sanglier des montagnes !

Ecoutez, tout cela sont des histoires destinées à effrayer les enfants : les gabouris n’existent plus depuis des milliers d’années ! Alors cessez de nous importuner, nous n’avons pas que ça à faire ! »

Elle ferma la porte de son guichet, visiblement énervée.

Moi, je vous crois ! fit une voix derrière moi.

Je me retournai. Un homme brun, très élégant, dans les trente ans, tenant par la main un enfant qui était sans aucun doute son fils, souriait.

« Je sais que vous avez raison. J’essaie moi-même de prévenir les autorités depuis deux mois, mais personne ne bouge, car personne n’y croit. Et pourtant… Mais venez donc chez moi, je vous expliquerai tout ça. Nous aurons le temps de discuter sans effrayer les enfants. Voyez-vous, ce sont les dix ans de mon fils, aujourd’hui. Il y aura du monde…

L’enfant me fixait timidement mais intensément. L’homme le regarda d’un air attendri. C’était certainement le genre de personne intraitable en affaires mais qui devenait tout doux face à des enfants, et qui aurait fait n’importe quoi pour son fils. J’acceptai l’invitation.

*****

Nous arrivâmes chez l’homme, prénommé Emilio. Nous traversâmes son café très enfumé de cette même fumée odorante qui parcourait les rues, et passâmes derrière. D’autres enfants étaient là. Une gigantesque banderole de toutes les couleurs, pendue de part et d’autre de la pièce, indiquait « bon anniversaire Enzo ! ». Une montagne de cadeaux trônait en-dessous. Alors qu’Enzo courut jouer avec ses amis, Emilio et moi montâmes à l’étage. Tonio, son homme de main, attendait là avec un paquet de lettres. L’homme était muet, et une effrayante cicatrice lui défigurait la gorge et le bas du visage. Emilio prit les lettres, invita Tonio et moi à entrer dans son bureau, nous servit du Palermo rouge, et commença à trier ses lettres : « facture, facture, carte postale, demande de prolongement de délai… oh, non ! il connaît mon point faible, il vient avec toute sa famille. Jamais je ne pourrai le menacer devant sa femme et ses enfants… demande de mise en relation d’affaires… à voir, à voir… Ah, le chèque du maire, parfait !… Vous devez penser que je suis un mafioso, me dit-il, et vous avez tout à fait raison dans une certaine mesure. Voyez vous, je suis indépendant, mais mes activités ne sont pas très légales… Mais je suis couvert par les autorités : le maire me paie pour que je vende librement les joints, la police et la justice ferment les yeux… ça les arrange bien. Comme ça, les administrés sont « cool », ça attire un certain type de touristes, et bien sûr ça m’empêche de dire la vérité. Ou plutôt ça ne me l’empêche pas, mais personne ne risque de me croire… (son ton était devenu amer).

Que savez-vous des gabouris ? m’enquis-je.

Enzo n’avait pas trois ans. Ma femme et moi étions dans la forêt avec lui. Tonio nous accompagnait. Nous avions mangé, et nous nous reposions. Et là, brusquement, nous avons été attaqués. Des espèces d’hommes préhistoriques, à la peau rose vif comme s’ils avaient été plongés dans du bain-marie. Ils nous assaillaient. Ma femme protégeait le petit, mais elle a été tuée d’une flèche. Ils approchaient. Tonio a couru pour empêcher les gabouris de les prendre. Il s’est battu contre eux, à mains nues ! Ils l’ont blessé et rendu muet avec une lance. Enzo s’était réfugié dans mes bras. J’ai sorti deux armes : un pistolet et un revolver, et j’ai tiré en l’air. Les gabouris se sont mis à pousser des cris effrayés, et ont déguerpi.

J’ai ramené tout le monde à l’hôpital de la ville. J’ai prévenu tout le monde, mais personne ne m’a cru. Des gabouris ! Et pourquoi pas des yétis ? Mais je suis sûr de ce que j’ai vu. Et les blessures de ma femme et de Tonio, la peur d’Enzo, tout ça est caractéristique des gabouris. Je n’ai pas tout de suite compris pourquoi, d’un seul coup, la police m’a laissé tranquille, la justice a abandonné toute poursuite contre moi, et le maire m’a accordé la quasi-exclusivité du joint. Maitenant je vois clair… Ils m’ont acheté… Mais trêve de discussion. Les gouris rôdent près de la ville, et y entrerons d’un instant à l’autre !

Les gouris ?

C’est l’autre nom des gabouris. Quoiqu’il en soit, si vous croisez des gouris, éteignez toute lumière, et ne faites aucun bruit, sinon ils vous tueraient. »

Nous redescendîmes au café. Les deux filles que j’avais rencontrées dans la rue étaient assises à une table, leurs sacs posés au sol. Elles sortaient en ricanant deux énormes joints et un briquet, ravies. Mais quelque chose attira mon attention : à la fenêtre, je venais d’apercevoir un visage rose vif, rude, encadré de longs cheveux sales et filasses…

« Des gouris ! Des gabouris ! hurlai-je à la foule. Surtout, aucun bruit, aucune lumière, ou c’est la mort assurée ! Vite ! Eteignez les lumières ! Et surtout ne bougez pas un cil. S’ils ne voient rien, s’ils n’entendent rien, ils repartiront et nous laisseront tranquilles. »

Emilio pensa aussitôt aux enfants. Les gabouris ne devraient pas accéder à la salle de jeux. Ils repartiraient aussitôt qu’ils ne verraient ni ne sentiraient personne. Il me souffla de le suivre.

« Venez dans l’arrière-salle : nous pourrons tout y voir, sans être vus, et nous pourrons réagir à haute voix en toute sécurité. »

Tonio, Emilio et moi nous glissâmes dans la minuscule arrière-salle. Dans le café, les lumières avaient été vite éteintes, et plus personne ne parlait. C’est alors que les gabouris entrèrent. Ils étaient cinq, et inspectaient les lieux. Leur respiration rauque glaçait le sang. Que voulaient-ils donc ? Que cherchaient-ils dans la ville ? Et comment avaient-ils pu vivre si près de la ville pendant des milliers d’années sans jamais être vus ? Tout cela était bizarre…

Soudain, une lumière rouge brilla dans l’obscurité. Avec horreur, je vis qu’une des filles, n’en pouvant plus d’attendre, avait allumé son joint. J’hurlai « non ! », mais c’était inutile : le gabouri qui était près d’elle l’avait déjà tuée. L’autre fille cria, épouvantée, et fut tuée à son tour. Et là, ce fut la panique. Emilio se précipita vers la salle de jeux, Tonio et moi sur les talons.

« Les enfants, vite ! Nous allons tous nous cacher dans la grande armoire. Le dernier arrivé aura un bonbon en moins que les autres. Et pas un mot : celui qui parlera aura deux bonbons en moins. Vite ! »

Les enfants se précipitèrent dans l’escalier sans mot dire, et se cachèrent dans l’armoire. Tonio, Emilio et moi les rejoignîmes, et Tonio actionna un bouton, qui ferma la porte et la blinda. Une caméra de surveillance nous montrant l’ensemble des lieux nous permettait de tout voir. Personne ne soufflait mot. Et soudain, on entendit une porte grincer. Un gabouri s’approcha. Un des écrans de surveillance nous montra son visage effrayant et grimaçant. Sa respiration lourde et rauque devint de plus en plus forte. Il était tout près !

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